– Pourquoi, mon Dieu ! me suis-je mariée ? 1Gustave Flaubert, Madame Bovary (Paris: Michel Lévy frères, 1857; imprimé, Paris: Hachette, 1972), 111.

Un jour qu’en prévision de son départ elle faisait des rangements dans un tiroir, elle se piqua les doigts à quelque chose. C’était un fil de fer de son bouquet de mariage. Les boutons d’oranger étaient jaunes de poussière, et les rubans de satin, à liséré d’argent, s’effiloquaient par le bord. Elle le jeta dans le feu. Il s’enflamma plus vite qu’une paille sèche. Puis ce fut comme un buisson rouge sur les cendres, et qui se rongeait lentement. Elle le regarda brûler. 2Ibid., 140.

Elle le trouvait charmant ; elle ne pouvait s’en détacher ; elle se rappela ses autres attitudes en d’autres jours, des phrases qu’il avait dites, le son de sa voix, toute sa personne ; et elle répétait, en avançant ses lèvres comme pour un baiser :
– Oui, charmant ! charmant !… N’aime-t-il pas ? se demanda-t-elle. Qui donc ?… mais c’est moi !
Toutes les preuves à la fois s’en étalèrent, son coeur bondit. La flamme de la cheminée faisait trembler au plafond une clarté joyeuse ; elle se tourna sur le dos en s’étirant les bras.
Alors commença l’éternelle lamentation : «Oh ! si le ciel l’avait voulu ! Pourquoi n’est-ce pas ? Qui empêchait donc ?…» 3Ibid., 189.

c’est la digestion, sans doute ? Il faut rentrer chez vous, madame Bovary, boire un peu de thé ; ça vous fortifiera, ou bien un verre d’eau fraîche avec de la cassonade. 4Ibid., 203.

Ah ! il était parti, le seul charme de sa vie, le seul espoir possible d’une félicité ! Comment n’avait-elle pas saisi ce bonheur-là, quand il se présentait ! Pourquoi ne l’avoir pas retenu à deux mains, à deux genoux, quand il voulait s’enfuir ? Et elle se maudit de n’avoir pas aimé Léon ; elle eut soif de ses lèvres. L’envie la prit de courir le rejoindre, de se jeter dans ses bras, de lui dire : «C’est moi, je suis à toi !» 5Ibid., 216.

Ah ! elle s’occupe ! À quoi donc ? À lire des romans, de mauvais livres, des ouvrages qui sont contre la religion et dans lesquels on se moque des prêtres par des discours tirés de Voltaire. Mais tout cela va loin, mon pauvre enfant, et quelqu’un qui n’a pas de religion finit toujours par tourner mal. 6Ibid., 219.

Donc, il fut résolu que l’on empêcherait Emma de lire des romans. L’entreprise ne semblait point facile. La bonne dame s’en chargea : elle devait quand elle passerait par Rouen, aller en personne chez le loueur de livres et lui représenter qu’Emma cessait ses abonnements. N’aurait-on pas le droit d’avertir la police, si le libraire persistait quand même dans son métier d’empoisonneur ? 7Ibid.

– Elle est fort gentille ! se disait-il ; elle est fort gentille, cette femme du médecin ! De belles dents, les yeux noirs, le pied coquet, et de la tournure comme une Parisienne. D’où diable sort-elle ? Où donc l’a-t-il trouvée, ce gros garçon-là ?
[…] Avec trois mots de galanterie, cela vous adorerait, j’en suis sûr ! ce serait tendre ! charmant !… Oui, mais comment s’en débarrasser ensuite ? 8Ibid., 225.

– Pourquoi déclamer contre les passions ? Ne sont-elles pas la seule belle chose qu’il y ait sur la terre, la source de l’héroïsme, de l’enthousiasme, de la poésie, de la musique, des arts, de tout enfin ?
– Mais il faut bien, dit Emma, suivre un peu l’opinion du monde et obéir à sa morale.
– Ah ! c’est qu’il y en a deux, répliqua-t-il. La petite, la convenue, celle des hommes, celle qui varie sans cesse et qui braille si fort, s’agite en bas, terre à terre, comme ce rassemblement d’imbéciles que vous voyez. Mais l’autre, l’éternelle, elle est tout autour et au-dessus, comme le paysage qui nous environne et le ciel bleu qui nous éclaire. 9Ibid., 243.

– Ainsi, nous, disait-il, pourquoi nous sommes-nous connus ? quel hasard l’a voulu ? C’est qu’à travers l’éloignement, sans doute, comme deux fleuves qui coulent pour se rejoindre, nos pentes particulières nous avaient poussés l’un vers l’autre.
Et il saisit sa main ; elle ne la retira pas.
[…] Rodolphe lui serrait la main, et il la sentait toute chaude et frémissante comme une tourterelle captive qui veut reprendre sa volée ; mais, soit qu’elle essayât de la dégager ou bien qu’elle répondît à cette pression, elle fit un mouvement des doigts ; il s’écria :
– Oh ! merci ! Vous ne me repoussez pas ! Vous êtes bonne ! vous comprenez que je suis à vous ! Laissez que je vous voie, que je vous contemple !
[…] Ils se regardaient. Un désir suprême faisait frissonner leurs lèvres sèches ; et mollement, sans effort, leurs doigts se confondirent. 10Ibid., 248-249.

– Oui, je pense à vous continuellement !… Votre souvenir me désespère ! Ah ! pardon !… Je vous quitte… Adieu !… J’irai loin…, si loin, que vous n’entendrez plus parler de moi !… Et cependant…, aujourd’hui…, je ne sais quelle force encore m’a poussé vers vous ! Car on ne lutte pas contre le ciel, on ne résiste point au sourire des anges ! on se laisse entraîner par ce qui est beau, charmant, adorable !
[…] – Mais, si je ne suis pas venu, continua-t-il, si je n’ai pu vous voir, ah ! du moins j’ai bien contemplé ce qui vous entoure. La nuit, toutes les nuits, je me relevais, j’arrivais jusqu’ici, je regardais votre maison, le toit qui brillait sous la lune, les arbres du jardin qui se balançaient à votre fenêtre, et une petite lampe, une lueur, qui brillait à travers les carreaux, dans l’ombre. Ah ! vous ne saviez guère qu’il y avait là, si près et si loin, un pauvre misérable…
Elle se tourna vers lui avec un sanglot.
– Oh ! vous êtes bon ! dit-elle.
– Non, je vous aime, voilà tout ! 11Ibid., 257.

– Pourquoi n’acceptes-tu pas les propositions de M. Boulanger, qui sont si gracieuses ? 12Ibid., 259

Vous êtes dans mon âme comme une madone sur un piédestal, à une place haute, solide et immaculée. Mais j’ai besoin de vous pour vivre ! J’ai besoin de vos yeux, de votre voix, de votre pensée. Soyez mon amie, ma soeur, mon ange !
Et il allongeait son bras et lui en entourait la taille. Elle tâchait de se dégager mollement. Il la soutenait ainsi, en marchant.
Mais ils entendirent les deux chevaux qui broutaient le feuillage.
– Oh ! encore, dit Rodolphe. Ne partons pas ! Restez !
Il l’entraîna plus loin, autour d’un petit étang, où des lentilles d’eau faisaient une verdure sur les ondes. Des nénuphars flétris se tenaient immobiles entre les joncs. Au bruit de leurs pas dans l’herbe, des grenouilles sautaient pour se cacher.
– J’ai tort, j’ai tort, disait-elle. Je suis folle de vous entendre.
– Pourquoi ?… Emma ! Emma !
– Oh ! Rodolphe !… fit lentement la jeune femme en se penchant sur son épaule.
Le drap de sa robe s’accrochait au velours de l’habit. Elle renversa son cou blanc, qui se gonflait d’un soupir ; et, défaillante, tout en pleurs, avec un long frémissement et se cachant la figure, elle s’abandonna. 13Ibid., 263.

Mais, en s’apercevant dans la glace, elle s’étonna de son visage. Jamais elle n’avait eu les yeux si grands, si noirs, ni d’une telle profondeur. Quelque chose de subtil épandu sur sa personne la transfigurait.
Elle se répétait : «J’ai un amant ! un amant !» se délectant à cette idée comme à celle d’une autre puberté qui lui serait survenue. Elle allait donc posséder enfin ces joies de l’amour, cette fièvre du bonheur dont elle avait désespéré. Elle entrait dans quelque chose de merveilleux où tout serait passion, extase, délire. 14Ibid., 264.

Alors elle se rappela les héroïnes des livres qu’elle avait lus, et la légion lyrique de ces femmes adultères se mit à chanter dans sa mémoire avec des voix de soeurs qui la charmaient. Elle devenait elle-même comme une partie véritable de ces imaginations et réalisait la longue rêverie de sa jeunesse, en se considérant dans ce type d’amoureuse qu’elle avait tant envié. D’ailleurs, Emma éprouvait une satisfaction de vengeance. N’avait-elle pas assez souffert ! Mais elle triomphait maintenant, et l’amour, si longtemps contenu, jaillissait tout entier avec des bouillonnements joyeux. Elle le savourait sans remords, sans inquiétude, sans trouble.
La journée du lendemain se passa dans une douceur nouvelle. Ils se firent des serments. Elle lui raconta ses tristesses. Rodolphe l’interrompait par ses baisers ; et elle lui demandait, en le contemplant les paupières à demi closes, de l’appeler encore par son nom et de répéter qu’il l’aimait. C’était dans la forêt, comme la veille, sous une hutte de sabotiers. Les murs en étaient de paille et le toit descendait si bas, qu’il fallait se tenir courbé. Ils étaient assis l’un contre l’autre, sur un lit de feuilles sèches. 15Ibid., 266.

[E]lle devenait bien sentimentale. Il avait fallu échanger des miniatures, on s’était coupé des poignées de cheveux, et elle demandait à présent une bague, un véritable anneau de mariage, en signe d’alliance éternelle. 16Ibid., 274.

Oh ! c’est que je t’aime ! reprenait-elle, je t’aime à ne pouvoir me passer de toi, sais-tu bien ? J’ai quelquefois des envies de te revoir où toutes les colères de l’amour me déchirent. Je me demande : «Où est-il ? Peut-être il parle à d’autres femmes ? Elles lui sourient, il s’approche…» Oh ! non, n’est-ce pas, aucune ne te plaît ? Il y en a de plus belles ; mais, moi, je sais mieux aimer ! Je suis ta servante et ta concubine ! Tu es mon roi, mon idole ! tu es bon ! tu es beau ! tu es intelligent ! tu es fort ! 17Ibid., 300.

Ses regards devinrent plus hardis, ses discours plus libres ; elle eut même l’inconvenance de se promener avec M. Rodolphe, une cigarette à la bouche, comme pour narguer le monde ; enfin, ceux qui doutaient encore ne doutèrent plus quand on la vit, un jour, descendre de l’Hirondelle, la taille serrée dans un gilet, à la façon d’un homme ; et madame Bovary mère, qui, après une épouvantable scène avec son mari, était venue se réfugier chez son fils, ne fut pas la bourgeoise la moins scandalisée. Bien d’autres choses lui déplurent : d’abord Charles n’avait point écouté ses conseils pour l’interdiction des romans ; puis, le genre de la maison lui déplaisait. 18Ibid.

Ses yeux, pleins de larmes, étincelaient comme des flammes sous l’onde ; sa gorge haletait à coups rapides ; jamais il ne l’avait tant aimée ; si bien qu’il en perdit la tête et qu’il lui dit :
– Que faut-il faire ? que veux-tu ?
– Emmène-moi ! s’écria-t-elle. Enlève-moi !… Oh ! je t’en supplie !
Et elle se précipita sur sa bouche, comme pour y saisir le consentement inattendu qui s’en exhalait dans un baiser.
– Mais…, reprit Rodolphe.
– Quoi donc ?
– Et ta fille ?
Elle réfléchit quelques minutes, puis répondit :
– Nous la prendrons, tant pis ! 19Ibid., 304.

Elle s’était appuyée contre l’embrasure de la mansarde, et elle relisait la lettre avec des ricanements de colère.
[…] Qui la retenait donc ? Elle était libre. Et elle s’avança, elle regarda les pavés en se disant :
– Allons ! allons ! 20Ibid., 318.

– Certainement ! continuait Homais, il y a la mauvaise littérature comme il y a la mauvaise pharmacie ; mais condamner en bloc le plus important des beaux-arts me paraît une balourdise, une idée gothique, digne de ces temps abominables où l’on enfermait Galilée.
– Je sais bien, objecta le Curé, qu’il existe de bons ouvrages, de bons auteurs ; cependant, ne serait-ce que ces personnes de sexe différent réunies dans un appartement enchanteur, orné de pompes mondaines, et puis ces déguisements païens, ce fard, ces flambeaux, ces voix efféminées, tout cela doit finir par engendrer un certain libertinage d’esprit et vous donner des pensées déshonnêtes, des tentations impures. Telle est du moins l’opinion de tous les Pères. […] si l’Église a condamné les spectacles, c’est qu’elle avait raison ; il faut nous soumettre à ses décrets.
[…] – C’est comme dans la Bible ; il y a…, savez-vous…, plus d’un détail… piquant, des choses… vraiment… gaillardes !
Et, sur un geste d’irritation que faisait M. Bournisien :
– Ah ! vous conviendrez que ce n’est pas un livre à mettre entre les mains d’une jeune personne, et je serais fâché qu’Athalie…
– Mais ce sont les protestants, et non pas nous, s’écria l’autre impatienté, qui recommandent la Bible !
– N’importe ! dit Homais, je m’étonne que, de nos jours, en un siècle de lumières, on s’obstine encore à proscrire un délassement intellectuel qui est inoffensif, moralisant et même hygiénique quelquefois, n’est-ce pas, docteur ? 21Ibid., 336.

Il ne comprenait pas quelle fureur de la locomotion poussait ces individus à ne vouloir point s’arrêter. Il essayait quelquefois, et aussitôt il entendait derrière lui partir des exclamations de colère.
[…] Une fois, au milieu du jour, en pleine campagne, au moment où le soleil dardait le plus fort contre les vieilles lanternes argentées, une main nue passa sous les petits rideaux de toile jaune et jeta des déchirures de papier, qui se dispersèrent au vent et s’abattirent plus loin, comme des papillons blancs, sur un champ de trèfles rouges tout en fleur.
Puis, vers six heures, la voiture s’arrêta dans une ruelle du quartier Beauvoisine, et une femme en descendit qui marchait le voile baissé, sans détourner la tête. 22Ibid., 371-373.

Ce furent trois jours pleins, exquis, splendides, une vraie lune de miel.
Ils étaient à l’hôtel de Boulogne, sur le port. Et ils vivaient là, volets fermés, portes closes, avec des fleurs par terre et des sirops à la glace, qu’on leur apportait dès le matin. 23Ibid., 385.

– Si tu voulais…, disait-il, de temps à autre, une leçon, cela ne serait pas, après tout, extrêmement ruineux.
– Mais les leçons, répliquait-elle, ne sont profitables que suivies.
Et voilà comme elle s’y prit pour obtenir de son époux la permission d’aller à la ville, une fois la semaine, voir son amant. 24Ibid., 391.

Par peur d’être vue, elle ne prenait pas ordinairement le chemin le plus court. Elle s’engouffrait dans les ruelles sombres, et elle arrivait tout en sueur vers le bas de la rue Nationale, près de la fontaine qui est là. C’est le quartier du théâtre, des estaminets et des filles.
[…] Elle tournait une rue ; elle le reconnaissait à sa chevelure frisée qui s’échappait de son chapeau.
Léon, sur le trottoir, continuait à marcher. Elle le suivait jusqu’à l’hôtel ; il montait, il ouvrait la porte, il entrait… Quelle étreinte ! 25Ibid., 395.

Emma revenait à lui plus enflammée, plus avide. Elle se déshabillait brutalement, arrachant le lacet mince de son corset, qui sifflait autour de ses hanches comme une couleuvre qui glisse. Elle allait sur la pointe de ses pieds nus regarder encore une fois si la porte était fermée, puis elle faisait d’un seul geste tomber ensemble tous ses vêtements ; – et, pâle, sans parler, sérieuse, elle s’abattait contre sa poitrine, avec un long frisson. 26Ibid., 263.

Tout à coup elle se frappa le front, poussa un cri, car le souvenir de Rodolphe, comme un grand éclair dans une nuit sombre, lui avait passé dans l’âme. Il était si bon, si délicat, si généreux ! Et, d’ailleurs, s’il hésitait à lui rendre ce service, elle saurait bien l’y contraindre en rappelant d’un seul clin d’oeil leur amour perdu. Elle partit donc vers la Huchette, sans s’apercevoir qu’elle courait s’offrir à ce qui l’avait tantôt si fort exaspérée, ni se douter le moins du monde de cette prostitution. 27Ibid., 450.

L’ecclésiastique le prit par-dessous le bras pour lui faire faire un tour de promenade dans le jardin. Il discourait sur la vanité des choses terrestres. Dieu était bien grand, bien bon ; on devait sans murmure se soumettre à ses décrets, même le remercier.
Charles éclata en blasphèmes.
– Je l’exècre, votre Dieu !
– L’esprit de révolte est encore en vous, soupira l’ecclésiastique.
Bovary était loin. Il marchait à grands pas, le long du mur, près de l’espalier, et il grinçait des dents, il levait au ciel des regards de malédiction ; mais pas une feuille seulement n’en bougea. 28Ibid., 475.

[L]e prêtre répondit qu’il ne restait plus maintenant qu’à prier pour elle.
– Cependant, reprit Homais, de deux choses l’une : ou elle est morte en état de grâce (comme s’exprime l’Église), et alors elle n’a nul besoin de nos prières ; ou bien elle est décédée impénitente (c’est, je crois, l’expression ecclésiastique), et alors…
Bournisien l’interrompit, répliquant d’un ton bourru qu’il n’en fallait pas moins prier.
– Mais, objecta le pharmacien, puisque Dieu connaît tous nos besoins, à quoi peut servir la prière ?
– Comment ! fit l’ecclésiastique, la prière ! Vous n’êtes donc pas chrétien ?
– Pardonnez ! dit Homais. J’admire le christianisme. Il a d’abord affranchi les esclaves, introduit dans le monde une morale…
– Il ne s’agit pas de cela ! Tous les textes…
– Oh ! oh ! quant aux textes, ouvrez l’histoire ; on sait qu’ils ont été falsifiés par les jésuites.29Ibid., 476.

Un jour qu’errant sans but dans la maison, il était monté jusqu’au grenier, il sentit sous sa pantoufle une boulette de papier fin. Il l’ouvrit et il lut : « Du courage, Emma ! du courage ! Je ne veux pas faire le malheur de votre existence. » C’était la lettre de Rodolphe, tombée à terre entre des caisses, qui était restée là, et que le vent de la lucarne venait de pousser vers la porte. Et Charles demeura tout immobile et béant à cette même place où jadis, encore plus pâle que lui, Emma, désespérée, avait voulu mourir. Enfin, il découvrit un petit R au bas de la seconde page. Qu’était-ce ? il se rappela les assiduités de Rodolphe, sa disparition soudaine et l’air contraint qu’il avait eu en la rencontrant depuis, deux ou trois fois. Mais le ton respectueux de la lettre l’illusionna.
– Ils se sont peut-être aimés platoniquement, se dit-il. 30Ibid., 492.

Un jour, enfin, il s’assit devant, tourna la clef et poussa le ressort. Toutes les lettres de Léon s’y trouvaient. Plus de doute, cette fois ! Il dévora jusqu’à la dernière, fouilla dans tous les coins, tous les meubles, tous les tiroirs, derrière les murs, sanglotant, hurlant, éperdu, fou. Il découvrit une boîte, la défonça d’un coup de pied. Le portrait de Rodolphe lui sauta en plein visage, au milieu des billets doux bouleversés.
On s’étonna de son découragement. Il ne sortait plus, ne recevait personne, refusait même d’aller voir ses malades. Alors on prétendit qu’il s’enfermait pour boire. 31Ibid., 498.

– Je ne vous en veux pas, dit-il.
Rodolphe était resté muet. Et Charles, la tête dans ses deux mains, reprit d’une voix éteinte et avec l’accent résigné des douleurs infinies :
– Non, je ne vous en veux plus !
Il ajouta même un grand mot, le seul qu’il ait jamais dit :
– C’est la faute de la fatalité ! 32Ibid., 500.

Note: All the above controversial passages are available in the English language here.



You might also like:


Madame Bovary: The scandalous scenes

Why Gustave Flaubert was put on trial for Madame Bovary?

BOOK: MADAME BOVARY

Print Friendly, PDF & Email

Through art: Sexist views of women who read from yesteryear

What art can tell us about the social anxiety towards women who read

BOOK: MADAME BOVARY

Print Friendly, PDF & Email

Women in 19th-century novels: Rebellious wives had to die!

Why the heroines of Madame Bovary, The Awakening and Anna Karenina commit suicide?

BOOK: MADAME BOVARY

Print Friendly, PDF & Email
Print Friendly, PDF & Email

Endnotes[+]